Au sujet de : La grève des électeurs

Mirbeau est un con­temp­teur du suf­frage uni­versel et du sys­tème des élec­tions, parce qu’il n’y voit qu’une duperie. Anar­chiste con­séquent, il con­teste rad­i­cale­ment la démoc­ra­tie représen­ta­tive et par­lemen­taire, parce que, pour lui, elle n’est qu’une fic­tion, des­tinée à asservir davan­tage encore le bon peu­ple en lui faisant croire qu’il est sou­verain et en le per­suadant que c’est lui qui, en allant vot­er, a choisi libre­ment son pro­pre asservissement.

Il s’emploie donc en per­ma­nence à délégitimer le régime pré­ten­du­ment répub­li­cain, qui, en réal­ité, n’est nulle­ment « la chose du peu­ple » qu’il est cen­sé être, mais celle d’une poignée de politi­ciens. Dès 1888, il en appelle logique­ment à « la grève des électeurs », dans un célèbre arti­cle du Figaro, que les groupes anar­chistes, français et étrangers, vont dif­fuser à des cen­taines de mil­liers d’exemplaires à tra­vers l’Europe et traduire dans de nom­breuses langues.

Le com­porte­ment de l’électeur moyen, « inex­primable imbé­cile », lui appa­raît com­plète­ment irra­tionnel. En le provo­quant, en met­tant en lumière la pro­fonde absur­dité de sa con­fi­ance aveu­gle dans le pou­voir légiti­mant du vote, il tente donc de faire naître en lui l’étincelle de la con­science, afin de le dis­suad­er d’aller dépos­er dans l’urne un bul­letin sig­ni­fi­catif de son abdi­ca­tion en tant que pré­ten­du sou­verain : « À quel sen­ti­ment baroque, à quelle mys­térieuse sug­ges­tion peut bien obéir ce bipède pen­sant, doué d’une volon­té, à ce qu’on pré­tend, et qui s’en va, fier de son droit, assuré qu’il accom­plit un devoir, dépos­er dans une boîte élec­torale quel­conque un quel­conque bul­letin, peu importe le nom qu’il ait écrit dessus ?… […] Les mou­tons vont à l’abattoir. Ils ne dis­ent rien, eux, et ils n’espèrent rien. Mais du moins ils ne votent pas pour le bouch­er qui les tuera, ni pour le bour­geois qui les mangera. Plus bête que les bêtes, plus mou­ton­nier que les mou­tons, l’électeur nomme son bouch­er et choisit son bourgeois. »

Dans sa grande comédie Les affaires sont les affaires (1903), Mir­beau rap­pelle aus­si que les votes des électeurs peu­vent s’acheter et que les mil­lion­naires ne s’en privent pas : ain­si le brasseur d’affaires Isidore Lechat dépense-t-il dans ce but une somme énorme, dans l’espoir d’être élu député et de légitimer ain­si, par l’onction des urnes, les cinquante mil­lions si mal acquis. Mais il ne parvient pas pour autant à se faire élire, ce qui sem­ble prou­ver que, tout bien con­sid­éré, l’électeur n’est pas aus­si stu­pide que Mir­beau l’affirmait quinze ans plus tôt. Il est cepen­dant dou­teux que, de ce cas de fig­ure excep­tion­nel, il ait jamais con­clu que le vote puisse avoir une util­ité quel­conque. En tout cas, lui-même n’a jamais accom­pli ce qu’on appelle pom­peuse­ment son « devoir élec­toral ».

Source Pierre Michel : Dic­tio­n­naire en ligne Octave Mir­beaula greve des électeurs

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