Octave Mirbeau
Dramaturge, écrivain, journaliste
Octave Mirbeau est né le 16 février 1848 à Trévières. Petit-fils de notaires normands et fils d’un officier de santé, Octave Mirbeau passe son enfance à Rémalard puis étudie au collège des jésuites de Vannes, d’où il est chassé dans des conditions suspectes, qu’il évoquera en 1890 dans son roman Sébastien Roch.
Après son baccalauréat, il commence des études de droit qu’il n’achève pas et revient à Rémalard pour travailler chez le notaire du village. Il est mobilisé lors de la guerre de 1870 et racontera la débâcle dans plusieurs contes et romans autobiographiques. La chronologie plus bas vous instruira davantage, étape par étape, sur son existence d’homme, de journaliste et ses combats …
ANNÉES D’APPRENTISSAGE (1848–1872)
Enfance
1848. Le 16 février, naissance à Trévières (Calvados) d’Octave-Marie-Henri Mirbeau. Son père, Ladislas-François, est officier de santé.
1849. En septembre, la famille Mirbeau vient s’installer à Rémalard (Orne).
Chez les jésuites de Vannes
1859. Le 12 octobre, il entre comme pensionnaire au collège Saint-François-Xavier de Vannes. Il y passe quatre ans d’« enfer».
1863. Il quitte le collège le 9 juin, renvoyé dans des conditions plus que suspectes, qu’il évoquera dans Sébastien Roch (1890).
Du spleen au notariat
1864. Poursuit ses études, médiocres, à la pension Saint-Vincent de Rennes. 1865. Prépare son baccalauréat à la pension Delangle (Caen).
1866. Le 7 mars, devient bachelier ès lettres à la troisième tentative. S’inscrit le 14 novembre à la Faculté de Droit de Paris. Amitié avec Alfred Bansard des Bois.
1867. Se morfond dans l’étude de Maître Robbe, notaire à Rémalard. Échoue à son examen de droit.
1868–1869. Mène à Paris une vie de plaisirs. S’endette. Doit rentrer à Rémalard.
1870. Le 8 juillet, mort de sa mère. Après la déclaration de la guerre à la Prusse, le 19 juillet, il est mobilisé dans la garde mobile de l’Orne. Le 27 septembre, il est promu lieutenant. Le 14 décembre, malade, il va se faire soigner au Mans, puis à Alençon.
1872. Accusé de désertion, il est innocenté en septembre.
PROLÉTAIRE DE LA PLUME (1873–1884)
Débuts dans le journalisme
1873. Secrétaire de Dugué de la Fauconnerie, ancien député bonapartiste de l’Orne, et nouveau directeur de L’Ordre de Paris, ce qui lui permet de s’évader de l’ennui de Rémalard. Écrit des éditoriaux politiques anonymes.
1874. Compte rendu du Salon, signé R. V. Rédige Les Calomnies contre l’Empire, brochure signée Dugué, diffusée à 650 000 exemplaires.
1875. Nouveau compte rendu du Salon, sous pseudonyme. Le 19 octobre, Mirbeau signe son premier article à L’Ordre. Il fréquente le milieu de La République des lettres de Catulle Mendès. Nouvelle brochure signée Dugué, Si l’Empire revenait.
1876. Tient la chronique théâtrale à L’Ordre. Troisième compte rendu du Salon, où il éreinte de nouveau les académistes.
L’aventure pyrénéenne
1877. Le 16 avril, au restaurant Trapp, en compagnie de Maupassant, Huysmans, Hennique, Céard et Alexis, rend hommage à Flaubert, Goncourt et Zola. Après le coup de force de Mac-Mahon, le 16 mai, le baron Gaston de Saint-Paul le fait nommer chef de cabinet du préfet de l’Ariège jusqu’au 15 décembre. À Foix, il collabore anonymement à L’Ariégeois, journal bonapartiste.
1878. A Foix, dirige L’Ariégeois. Querelles clochemerlesques.
1879. Après la mort de Saint-Paul, retour à Paris. Devient secrétaire d’Arthur Meyer, nouveau directeur du Gaulois.
La grande presse : les premiers scandales
1880–1881. Collabore au Gaulois, où il signe Tout-Paris une chronique quotidienne, « La Journée parisienne », et à Paris-Journal. Fréquente la Bourse et travaille pour Paribas, Liaison agitée avec Judith Vinmer.
1882. Perd probablement des plumes dans le krach de l’Union Générale et accumule les dettes. Publie des Petits poèmes parisiens au Gaulois. Bilan négatif de sa vie de « prolétaire des lettres » dans un conte en forme de confession, « Un Raté ». Entre au Figaro, dont il est chassé fin octobre, au lendemain de son pamphlet à scandale sur « Le Comédien ». Publie L’Écuyère, sous le pseudonyme d’Alain Bauquenne.
1883. Rédacteur en chef de Paris-Midi Paris-Minuit, biquotidien d’informations rapides. Rédacteur en chef des Grimaces — pamphlet hebdomadaire anti-opportuniste, à forts relents d’antisémitisme, qui le rapproche des radicaux. Il y fait le procès de « la finance républicaine ». Publie, sous pseudonyme, Ménages parisiens, La Maréchale et Noces parisiennes.
« L’alcoolisme de l’amour »
1884. Miné par un amour destructeur pour l’infidèle Judith, il se réfugie en Bretagne, à Audierne, où il se remet lentement. Il écrit La Belle Madame Le Vassart. Retour à Paris en juillet. Randonnée de Marlotte à Bourbon l’Archambault, évoquée dans Sac au dos. Envoyé en reportage à Versailles pour le congrès.
VERS LA RÉDEMPTION (1884–1890)
Le grand tournant
Été-automne 1884 : Collabore au Gaulois, à L’Événement, puis à La France où il commence à publier ses Notes sur l’art. Début de sa liaison avec une ancienne actrice et horizontale de haut vol, Alice Regnault.
1885. Le 14 janvier, fait son mea culpa pour son antisémitisme passé. Pour le compte de François Deloncle, fait paraître de pseudo-Lettres de l’Inde dans Le Gaulois, ainsi que des Chroniques du Diable dans L’Événement. Publie sous pseudonyme Dans la vieille rue et Amours cocasses. Entame un combat de longue haleine en faveur de Monet et de Rodin, qui deviennent ses meilleurs amis, Sous l’influence de Tolstoï et de Kropotkine, adopte des positions nettement anarchisantes. Est accusé d’avoir voulu revolvériser Gyp, comtesse de Martel, journaliste et romancière antisémite, qui a attaqué Alice dans un roman à clefs et à scandale, Le Druide ; obtiendra un non lieu, Séjour au Rouvray (Orne). Parution des Lettres de ma chaumière.
Du scandale au succès : Le Calvaire
1886. Publie son dernier roman « nègre », La Duchesse Ghislaine. Collabore au Matin et au Gil Blas, Séjour à Noirmoutier. Parution du Calvaire, fin novembre : succès de scandale, à cause du chapitre II sur la débâcle de 1870. Envisage d’en écrire une suite, La Rédemption.
L’Abbé Jules
1887. Le 25 mai, à Westminster, il épouse en catimini Alice Regnault, ce qui le met au ban de l’hypocrite « bonne société », Fin juin, s’installe à Kérisper (Morbihan), où il travaille à L’Abbé Jules, fortement influencé par Dostoïevski, dont il vient d’avoir la « révélation ».
1888. 13 mars, sortie de L’Abbé Jules chez Ollendorf. Vive admiration de Mallarmé. Absurdement accusé par des lettres anonymes d’avoir participé à un trafic de décorations ; obtient un non-lieu. Appelle à « la grève des électeurs » le 28 novembre.
Sébastien Roch
1889. Le 31 mai, s’installe à Levallois, puis déménage en août pour les Damps, près de Pont de l’Arche (Eure). La Révolte, journal anarchiste de Jean Grave, commence à reproduire ses articles.
1890. Passe l’hiver à Nice et à Menton. Fin avril, publication chez Charpentier de Sébastien Roch : médiocre succès, dû à une véritable conspiration du silence : le sujet, scandaleux, en est le viol d’un adolescent par un jésuite.
LES GRANDS COMBATS (1891–1899)
L’ère des découvertes
Été-automne 1890 : Mirbeau lance Maeterlinck par son article du Figaro le 24 août. Se rallie officiellement à l’anarchisme dans « Jean Tartas ».
1891. Attaque la politique protectionniste de Méline. Importants articles qui lancent Van Gogh et Gauguin. En mai, prend la défense de Remy de Gourmont qui a perdu son emploi à la B.N, à cause de son article, « Le Joujou patriotisme ». À partir du 20 octobre, première version du Journal d’une femme de chambre dans L’Écho de Paris. Début d’une grave crise morale : sentiment d’impuissance, neurasthénie, crise conjugale.
Crise et anarchisme
1892. Début de l’amitié avec Pissarro. Engagement aux côtés des anarchistes. Le 1er mai, article sur Ravachol. Commence à collaborer au Journal, où il restera dix ans ; il y est grassement rémunéré. Publie Dans le ciel en feuilleton dans L’Écho de Paris.
1893. En février, s’installe à Carrière-sous-Poissy. Préface La Société nourante et l’Anarchie de Jean Grave. S’insurge contre l’expulsion d’Alexandre Cohen, anarchiste néerlandais.
1894. S’engage à fond dans la défense des intellectuels anarchistes : Félix Fénéon, Jean Grave, Elisée Reclus, Laurent Tailhade. Défend le pédagogue libertaire Paul Robin. Sa crise morale atteint son paroxysme. Création de Vieux ménages, le 20 décembre.
1895. Début de son amitié avec Georges Clemenceau. Prend la défense d’Oscar Wilde. Publie en feuilleton En mission.
1996. Amitié avec Rodenbach, Attaque les responsables de l’intervention militaire française à Madagascar.
L’Affaire
1897. Cure à Luchon. Installation à Paris, boulevard Delessert. Demande, dans Le Journal du 28 novembre, la révision du procès d’Alfred Dreyfus. 15 décembre : première des Mauvais Bergers, avec Sarah Bernhardt et Lucien Guitry; gros succès, mais qui ne sera pas durable.
1898. Le 15 janvier, prend l’initiative d’une « pétition des intellectuels ». En février, assiste au procès de Zola, auquel il sert de garde du corps. Le 14 mai: création de L’Épidémie au Théâtre Antoine. Collabore activement à L’Aurore à partir du mois d’août. Engagement passionné aux côtés des dreyfusistes. Participe à de nombreux meetings au risque de sa vie. Soutient Zola, dont il paie l’amende de 7 500 francs, et le colonel Picquart. Se rapproche de Jaurès.
1899. Collaboration au Journal du Peuple de Sébastien Faure. Le 13 juin, parution du Jardin des supplices. Poursuit son combat dreyfusiste à L’Aurore. Assiste avec indignation au procès de Dreyfus à Rennes. Sa nouvelle condamnation, inique et absurde, le désespère.
LA GLOIRE (1900–1909)
Combats fin-de-siècle
1900. Il mène bataille pour un Théâtre Populaire. Sortie, le 10 juillet, du Journal d’une femme de chambre : grand succès de vente, mais silence gêné de la presse. Séjour à Honfleur. Campagne néo-malthusienne dans Le Journal. Au faîte de la gloire et de la fortune
1901. Longue bataille pour faire accepter Les Affaires sont les affaires à la Comédie Française. Le 25 mai, création d’Amants. Séjour à Veneux-Nadon, où meurt son chien Dingo. Déménage avenue du Bois en novembre,
1902. Le 19 février, création du Portefeuille. Réalise entièrement le numéro du 31 mai de L’Assiette au beurre. 25 mai : rupture avec Le Journal. Le 2 juin, création de Scrupules. Premiers voyages en automobile.
1903. Le 20 avril, première de Les Affaires sont les affaires. Énorme succès dans toute l’Europe. L’été, séjour dans l’Eure, En octobre, bref voyage à Berlin et à Vienne pour la création des Affaires. Mirbeau fait partie du premier jury Goncourt, qui couronne John-Antoine Nau ; il soutiendra les écrivains du peuple: Guillaumin et Charles Louis Philippe. Collabore au Canard Sauvage et à L’Auto.
Le millionnaire rouge
1904. En février, création d’Interview. Le 24 avril, commence à collaborer à L’Humanité de Jaurès. S’attaque au militarisme, à l’autocratie tsariste et participe au combat pour la séparation de l’Église et de l’État. Installation au château de Cormeilles-en-Vexin, acheté par Alice.
1905. Soutien à la révolution russe. Prend l’initiative d’une protestation en faveur de Gorki. Important article sur Maillol dans La Revue. Voyage en voiture en Belgique, en Hollande et en Allemagne (cf. La 628‑E 8).
1906. Cure à Vichy. Après l’avoir refusé, Claretie, administrateur de la Comédie Française, se résigne à accepter Le Foyer avec l’espoir de l’édulcorer.
Derniers scandales
1907. Mai-juillet : série d’articles contre la Faculté de Médecine dans Le Matin. En novembre, polémique autour du chapitre de La 628‑E 8 (premier « roman automobile ») sur la mort de Balzac, que Mirbeau se résigne finalement à supprimer à la demande de la fille de Mme Hanska.
1908. Longue bataille pour faire représenter Le Foyer à la Comédie-Française ; Mirbeau a gain de cause, par voie de justice; la première a lieu le 7 décembre : succès mitigé. Alice vend le « château » de Cormeilles.
1909. Tournées tumultueuses du Foyer en province. Travaille à Dingo. Installation à Triel.
LE CRÉPUSCULE (1910–1917)
Vers l’apocalypse
1910. Collaboration à Paris-Journal. Impose la publication de Marie-Claire de Marguerite Audoux, Avec Anatole France, s’en prend à Briand qui réprime sévèrement les cheminots.
1911. De plus en plus souvent malade et incapable d’écrire. 1912. Prend la défense de l’antimilitariste Gustave Hervé. Important article sur Monet. Rédige sans doute vers cette époque L’Amour de la femme vénale, brochure qui réhabilite les prostituées.
1913. Publication de Dingo, terminé par Léon Werth. De plus en plus inquiet devant la montée des périls. Cruel sentiment d’impuissance.
Devant l’irréparable
1914–1916. Mirbeau est désespéré par la guerre. Le 28 juillet 1915, publie un appel « À nos soldats » dans Le Petit Parisien. Plaide pour une réconciliation franco-allemande au lendemain de la victoire indispensable. Affaiblissement physique et intellectuel.
Francis Jourdain écrit pour lui la préface de Goha le simple, d’Adès et Josipovici.
Mirbeau trahi
1917. Mort de Mirbeau, le 16 février. Le 19 février, Le Petit Parisien publie son prétendu « Testament politique », aux accents fortement patriotiques, fabriqué de toutes pièces par Gustave Hervé (converti à l’ultra-nationalisme) avec la complicité d’Alice Mirbeau. Vaine protestation des amis de l’écrivain.
La puissance du mystère féminin dans Le calvaire
En tant que premier roman Le Calvaire révèle les principaux thèmes de toute l’œuvre d’Octave Mirbeau, et la femme se place véritablement parmi les plus obsédants et les plus fascinants …
Sébastien Roch (1890)
Dans ce troisième roman signé de son nom, Mirbeau transgresse un tabou majeur : celui du viol d’adolescents par des prêtres, sujet dont on n’a commencé à parler qu’un siècle après sa publication.
L’abbé Jules (1888)
L’Abbé Jules est un roman français d’Octave Mirbeau, publié chez Charpentier le 13 mars 1888, après une prépublication en feuilleton dans le Gil Blas. Évocation d’un prêtre
Du calvaire à la rédemption
De 1880 à la fin de 1883, Octave Mirbeau a été la proie — consentante, semble-t-il — d’une dame de petite vertu à la cervelle d’oiseau, mais apparemment fort recherchée sur le marché de la…
Le Calvaire (1886)
Le héros, Jean-François-Marie Mintié, raconte son enfance désenchantée et son adolescence solitaire, l’expérience amère de la guerre de 1870, dans les mobiles de l’armée de la Loire, puis le « calvaire » que lui a fait gravir sa maitresse, Juliette Roux, femme de petite vertu à laquelle l’attache un amour dévastateur face auquel la lucidité s’avère impuissante.