[wpseo_breadcrumb]
Octave Mirbeau

Octave Mirbeau

Dra­maturge, écrivain, journaliste

Octave Mir­beau, né le 16 févri­er 1848 à Trévières (Cal­va­dos) et mort le 16 févri­er 1917 à Paris, est un écrivain, cri­tique d’art et jour­nal­iste français. Il con­nut une célébrité européenne et de grands suc­cès pop­u­laires, tout en étant égale­ment appré­cié et recon­nu par les avant-gardes lit­téraires et artis­tiques, ce qui n’est pas commun.

Jour­nal­iste influ­ent et fort bien rémunéré, cri­tique d’art défenseur des avant-gardes, pam­phlé­taire red­outé, Octave Mir­beau est aus­si un romanci­er nova­teur, qui a con­tribué à l’évo­lu­tion du genre romanesque, et un dra­maturge, à la fois clas­sique et mod­erne, qui a tri­om­phé sur toutes les grandes scènes du monde. Mais, après sa mort, il tra­verse pen­dant un demi-siè­cle une péri­ode de pur­ga­toire : il est vis­i­ble­ment trop dérangeant pour la classe dirigeante, tant sur le plan lit­téraire et esthé­tique que sur le plan poli­tique et social.

 Mir­beau romancier 

UN NOVATEUR

Con­scient des impass­es du genre romanesque hérité de Balzac, Mir­beau a ten­té de le renou­vel­er pour le sor­tir des ornières du nat­u­ral­isme. Il a ain­si par­ticipé à l’his­toire du roman, en frayant des voies nou­velles, et en con­tribuant à la mise à mort et au dépasse­ment du roman du XIX“, dont il con­teste les présupposés :

  • l’idée qu’il existe une réal­ité objec­tive, indépen­dante de l’observateur ;
  • l’idée que cette réal­ité est régie par des lois intel­li­gi­bles et obéit à une final­ité qui lui donne sa cohérence ;
  • l’idée que le lan­gage est un out­il bien adap­té, per­me­t­tant d’ex­primer cette réal­ité et de la ren­dre sensible.

Pour Mir­beau, ce sont là des illu­sions naïves. Pour­tant, il n’a pas rompu d’emblée avec le vieux roman, et son évo­lu­tion a été pro­gres­sive. On peut y dis­tinguer qua­tre étapes.

1. Les romans « nègres »

De 1880 à 1886, Mir­beau a rédigé près d’une dizaine de romans comme « nègre », pour le compte de com­man­di­taires for­tunés soucieux de notoriété lit­téraire. Ils ont paru sous trois pseu­do­nymes différents :

  • For­san;
  • Albert MIRoux;
  • et, surtout, Alain BAUquenne.

Plusieurs de ces romans sont remar­quables et ont été réédités dans l’@uvre romanesque de Mirbeau :

  • L’Écuyère (1882), tragédie de l’amour, dou­blée d’une pein­ture au vit­ri­ol du « beau monde ». Ci-joint la ver­sion numérique du roman : mir­beau-ecuyere
  • La Maréchale (1883), réc­it plein d’hu­mour où se ressent l’in­flu­ence d’Alphonse Daudet.
  • La Belle Madame Le Vas­sart (1884), où Mir­beau entre­prend de refaire à sa manière La Curée de Zola, en désacral­isant la famille et la pseudo-République.
  • Dans la vieille rue (1885), émou­vant réc­it du sac­ri­fice d’une vierge.
  • La Duchesse Ghis­laine (1886), roman d’analyse dans la lignée de Stendhal.

Ces romans, écrits rapi­de­ment pour des raisons ali­men­taires, et dont il n’a pas à assumer la pater­nité, s’in­scrivent dans le cadre romanesque tra­di­tion­nel :
— Le réc­it est écrit à la troisième per­son­ne, par un romanci­er omni­scient, sub­sti­tut de Dieu.
— Il s’ag­it de romans-tragédies, rigoureuse­ment com­posés selon un implaca­ble mécan­isme d’hor­logerie, où le fatum prend la forme des déter­min­ismes socio cul­turels.
— Mir­beau y man­i­feste un souci tout clas­sique de clarté, et y inet en cuvre des procédés d’in­ves­ti­ga­tion qui ont fait leurs preuves (analyse psy­chologique, style indi­rect libre).
— On y ressent des influ­ences divers­es, voire des réminis­cences, de Bar­bey d’Au­re­vil­ly, de Stend­hal, de Goncourt et de Daudet : Mir­beau y fait ses gammes de romanci­er en même temps que ses preuves.
C’est là de l’ex­cel­lente lit­téra­ture, admirable­ment écrite, par un obser­va­teur qui ne se laisse pas duper par les apparences et s’emploie déjà à nous révéler l’en­vers du décor. Mais ce n’est pas encore de la vie, nour­rie de l’ex­péri­ence per­son­nelle de l’auteur,

2. Les romans « autobiographiques » :

  •  Le Cal­vaire (1886), « his­toire » d’une pas­sion dévas­ta­trice, dans la lignée de Manon Lescaut.
  • L’Ab­bé Jules (1888), pein­ture haute en couleur d’un prêtre « damné », en révolte con­tre son Église, con­tre la société bour­geoise, et con­tre la mis­érable con­di­tion faite à l’homme.
  • Sébastien Roch (1890), réc­it boulever­sant du « meurtre d’une âme d’en­fant » par un jésuite infâme, le père de Kern, séduc­teur et violeur.

Mir­beau situe l’ac­tion dans des lieux qu’il con­naît par­faite­ment (notam­ment la région de Rémalard, dans le Perche) ; il y évoque nom­bre de şou­venirs d’en­fance, en par­ti­c­uli­er ses qua­tre années d’« enfer» chez les jésuites de Vannes, avant d’en être chas­sé dans des con­di­tions plus que sus­pectes (n’au­rait-il pas été, lui aus­si, vio­lé par son maître d’é­tudes, comme le petit Sébastien Roch ?) ; et il trans­pose dans Le Cal­vaire sa pro­pre rela­tion pas sion­nelle et destruc­trice avec une femme de petite ver­tu, Judith Vin­mer, rebap­tisée Juli­ette.
En rup­ture avec le nat­u­ral­isme zolien, Mir­beau nous présente un réc­it dis­con­tinu, et, par moments, lacu­naire, où les événe­ments sont tou­jours réfrac­tés par une con­science : la sub­jec­tiv­ité y est totale impres­sion­nisme lit­téraire). L’at­mo­sphère, sou­vent pesante, voire mor­bide, prend par­fois une allure cauchemardesque ou fan­tas­tique, fort éloignée des con­ven­tions du réal­isme. Le romanci­er n’est pas omni­scient ; et, à l’in­star de Dos­toievs­ki, dont il vient d’avoir la « révéla­tion », il met en oeu­vre une psy­cholo­gie des pro­fondeurs, qui préserve le mys­tère des êtres, et qui tranche avec la psy­cholo­gie « en toc » de Paul Bour­get et avec le déter­min­isme phys­i­ologique sim­pliste d’Émile Zola, Enfin, il prend des lib­ertés avec la vraisem­blance et avec la crédi­bil­ité romanesque.
Cepen­dant Mir­beau est encore mar­qué par l’héritage du roman « réal­iste » : il réalise des « études de meurs » provin­ciales ; il attache beau­coup d’im­por­tance à la ques­tion d’ar­gent et aux pul­sions sex­uelles ; il met en lumière les déter­min­ismes qui pèsent sur ses per­son­nages (hérédité, influ­ence du milieu). Il sem­ble tem­pér­er ses audaces de peur de ne pas être suivi par la grande majorité des lecteurs misonéistes.

3. La déconstruction du roman

  • Dans le ciel (1892–1893), non pub­lié en vol­ume du vivant de Mir­beau : roman «en abyme », qui traite de la tragédie de l’artiste (inspiré de Van Gogh) et qui présente du trag­ique de l’hu­maine con­di­tion une vision pré-existentialiste.
  • Le Jardin des sup­plices (1899), qui résulte du mix­age dés­in­volte d’ar­ti­cles sur « la loi du meurtre » et de deux réc­its parus indépen­dam­ment dans la presse : En mis­sion et Un Bagne chi­nois. C’est un roman ini­ti­a­tique, dou­blé d’une parabole de la con­di­tion humaine, d’une dénon­ci­a­tion du colo­nial­isme et d’une démys­ti­fi­ca­tion de la vie poli­tique française, où le sin­istre côtoie le grotesque, et la car­i­ca­ture à la Dau­mi­er le grand-guig­nol à la Sade.
  • Le Jour­nal d’une femme de cham­bre (1900), inven­taire des pour­ri­t­ures des class­es dom­i­nantes vues à tra­vers le regard d’une cham­brière qui ne s’en laisse pas conter.
  • Les 21 jours d’un neurasthénique (1901), col­lage d’une cinquan­taine de con­tes cru­els parus dans la presse entre 1887 et 1901, et imprégnés d’un pes­simisme noir.

Mir­beau y met à mal les con­ven­tions du roman balza­cien :
Refus de la com­po­si­tion : ten­dance à met­tre arbi­traire­ment bout à bout des épisodes sans lien les uns avec les autres.
Refus de l’« objec­tiv­ité » (le réc­it est à la pre­mière per­son­ne) et de toute pré­ten­tion au « réal­isme » (la vérac­ité des réc­its n’est jamais garantie).
Mépris pour la « vraisem­blance » (à laque­lle Mir­beau oppose le vrai) ; pour la crédi­bil­ité romanesque (surtout dans Le Jardin); et pour les hyp­ocrites « bien­séances » (surtout dans Le Jour­nal) : Mir­beau n’y voit que des lits de Pro­custe sur lesquels on mutile la réal­ité pour mieux mys­ti­fi­er les lecteurs. Il s’emploie au con­traire à les décon­cert­er pour mieux éveiller leur sens cri­tique.
À l’u­nivers ordon­né, cohérent, du roman balza­cien, où tout est clair, et où tout sem­ble avoir un sens et une final­ité, Mir­beau sub­stitue un univers dis­con­tinu, inco­hérent, aber­rant et mon­strueux. La con­tin­gence du réc­it, où éclate l’ar­bi­traire du romanci­er-démi­urge, reflète la con­tin­gence d’un monde absurde, où rien ne rime à rien.

4. Mise à mort du roman … ou retour aux origines ? 

  • La 628‑E 8 (1907), réc­it d’un voy­age en auto­mo­bile à tra­vers la Bel­gique, la Hol­lande et l’Alle­magne, qui est surtout un voy­age à l’in­térieur de soi.
  • Din­go (1913), évo­ca­tion farcesque et jubi­la­toire d’un chien mythique, jus­tici­er sub­sti­tut du romanci­er devenu vieux.

Mir­beau renonce aux sub­terfuges des per­son­nages romanesques et se met lui même en scène en tant qu’écrivain. Il choisit pour héros, non plus des hommes, mais sa pro­pre voiture (la fameuse 628‑E 8) et son chien (Din­go). Il renonce à toute trame romanesque et à toute com­po­si­tion, et obéit seule­ment à sa fan­taisie. Enfin, sans le moin­dre souci de « réal­isme », il mul­ti­plie les car­i­ca­tures, les effets de grossisse­ment et les « hénau­r­mités » pour mieux nous ouvrir les yeux. Ce faisant, par-dessus le roman cod­i­fié du XIX° siè­cle à pré­ten­tions réal­istes, Mir­beau renoue avec la totale lib­erté des romanciers du passé, de Rabelais à Sterne, de Cer­vantes à Diderot. Et il annonce ceux du XX°…

 A pro­pos du roman … 

Le jardin des supplices (1899)

Ce roman, pub­lié en 1899, au plus fort de l’affaire Drey­fus, à la veille du procès d’Alfred Drey­fus à Rennes, est le point d’orgue d’un long com­bat con­tre la société cap­i­tal­iste. Le Jardin des sup­plices est d’abord un texte de com­bat dont les trois parties…

lire plus

Dingo (1913)

La fable, illus­trant les apor­ies du natur­isme, fait bon ménage avec la car­i­ca­ture, et les plus bur­lesques hénau­r­mités ont droit de cité. De nou­veau, ce n’est pas un homme qui est le héros du “roman”, mais le pro­pre chien de Mir­beau, Dingo …

lire plus

La 628-E8 (1907)

Dédiée à Fer­nand Char­ron, le con­struc­teur de l’automobile « Char­ron 628-E8 », cette œuvre inclass­able n’est ni un véri­ta­ble roman, ni un reportage, ni même un réc­it de voy­age digne de ce nom, dans la mesure où le roman­ci­er-nar­ra­­teur n’a aucune pré­ten­tion à la vérité…

lire plus

L’Écuyère (1882)

L’Écuyère est un roman de 301 pages, paru en avril 1882 chez Paul Ollen­dorff, dans la col­lec­tion « Grand in-18° » à 3, 50 francs, sous le pseu­do­nyme d’Alain Bauquenne, alias André Bertéra, pour qui Mir­beau a fait le nègre. Une tragédie Comme…

lire plus

Les 21 jours d’un neurasthénique (1901)

Comme Le Jardin des sup­plices, ce vol­ume résulte d’un brico­lage de textes : Mir­beau jux­ta­pose quelque 55 con­tes cru­els parus dans la presse entre 1887 et 1901, sans se souci­er de cam­ou­fler les…

lire plus

Le journal d’une femme de chambre (1900)

La pre­mière mou­ture du roman a paru en feuil­leton dans L’É­cho de Paris, du 20 octo­bre 1891 au 26 avril 1892. Mir­beau tra­verse alors une grave crise morale et con­ju­gale, se sent frap­pé d’impuissance…

lire plus

Dans le ciel (1892)

Dans le ciel est un roman paru en feuil­leton dans les colonnes de L’É­cho de Paris du 20 sep­tem­bre 1892 au 2 mai 1893 et qui n’a été pub­lié en vol­ume qu’en 1989, aux Édi­tions de l’Échoppe, Caen,…

lire plus

Men­tions légales | Mem­bres | Con­tact | La S.O.M sur Face­book | Dic­tio­n­naire Octave Mirbeau

Créa­tion & ges­tion pour le compte de la S.O.M. par ABC Edi­teurs — 06 79 69 51 50 — 22 rue Charles Dupuis — 78510 — Triel-sur-Seine — trielnews@gmail.com

Share This